Cerveaux lents ?
La semaine dernière avait lieu dans toute la France la « Semaine du Cerveau ». Une semaine entière pour célébrer notre cortex émotionnel, mais aussi paradoxalement le cœur de notre raison, que nul n’ignore. Chez CreativeTech, nous aimons passionnément tout ce qui touche de près ou de loin au cerveau humain. En 2021, l’appel à projets de l’Agence Nationale de Recherche (ANR) faisait état de 19 projets concernant le cerveau, soit un record de 38% des projets totaux proposés ! Parce que même loin d’Elon Musk et des implants cérébraux Neuralink, ce que l’on nomme braintechs a le vent en poupe.

Souvent parasitées par les imaginaires Cyberpunk,
les braintechs ont trop souffert d’une image négative souvent liée à de tristes dystopies, Black Mirror style. Mais au sein de notre shakespearienne brainhood – conceptualisée par le neuroscientifique Michael Gazzaniga, terme dont l’essence se résume par l’assertion « nous sommes un cerveau » en opposition à  « nous avons un cerveau » – se cache peut-être les plus beaux secrets de notre humanité. À travers cette newsletter, empruntons quelques chemins de traverses synaptiques sans se précipiter : faisons voler nos cerveaux lents, pour mieux apprécier l’étendue du possible proposée par la braintech.
© Pixabay

Sur le chemin des neurones

Nous sommes en 1830. Le biologiste Santiago Ramón y Cajal fait une découverte qui va bouleverser le monde. Grâce aux travaux d’un bon nombre de scientifiques avant lui – notamment l’italien Camillo Golgi -, il met en évidence le neurone, entité cellulaire à part entière reliée à d’autres par des synapses. La neuroscience vient de naître ! La suite, nous la connaissons : explosion de l’intérêt pour le cerveau, apparition d’une neuroculture avec des films comme Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry ou encore la fameuse publicité pour les antidépresseurs Zoloft (2002) : l’intérêt a été si exponentiellement croissant que les années 1990 furent étiquetées decade of the brain par George Bush himself.

L’histoire des braintechs trouve son origine début 1700 : la bioélectricité est découverte par Luigi Galvani – inspirant plus tard le mythe de Frankenstein (1818) de Mary Shelley – en faisant passer de l’électricité dans le cadavre d’une grenouille, contractant ainsi ses muscles. Les multiples expériences ont conduit à la découverte de signaux électriques émis par le cerveau par le neurologiste Hans Berger au milieu du XXème siècle, conduisant ensuite à l’invention de l’électroencéphalogramme (EEG). Puis, la découverte des colonnes corticales a pu faire le lien entre le visuel et les tréfonds de notre cerveau, garantes des plus belles innovations contemporaines. C’est via la technologie BCI – pour Brain Computer Interface – reliant le cerveau à un dispositif externe comme un ordinateur ou n’importe quel système électronique que le futur de la braintech est à écrire, et en France on a de la chance : on a plein de cellules grises ! 

Fascinants neurones  ©Pixabay

But de la tête et lévitation

Si l’on savait bien que le but de la tête au football était autorisé et très commun, qui savait en revanche qu’il était possible de jouer au ballon rond sans même bouger, uniquement à l’aide de son cerveau ? Le studio français Mentalista propose à l’aide d’électrodes de capter le signal électrique du cerveau pour jouer à une sorte de football où il faut battre son adversaire par la pensée. Il « suffit » d’imaginer le mouvement de la balle pour que, comme par magie, la balle se mette à foncer droit dans le but de votre adversaire.

Comme l’explique le fondateur de Mentalista, Gille de Bast, pour une interview France Inter :  

« Un jour, je me suis rendu compte que l’on pouvait faire des trucs dingues avec les neurones miroirs. On collecte via les électrodes les courants électriques au niveau du cortex visuel et vous allez être comparé, en temps réel, à une base de données de personnes qui, avant vous, ont imaginé cette balle en train de bouger. Et dès qu’il va y avoir un match entre vos ondes cérébrales et cette base de données, on considère que vous aussi, vous êtes en train d’imaginer la balle et on la fait bouger. » 

Et si cela ne vous suffit pas, il est aussi possible – toujours grâce au studio frenchy –  de faire léviter virtuellement des objets par la force du cerveau, dans un monde virtuel accessible via un casque VR. Il est même question de pouvoir tellement modifier sa propre réalité, que cette expérience puisse développer de nouvelles fonctions cérébrales. Science-fiction, ouvre nous ta porte !

Mentalista Foot durant le Paris Games Week public esport tournament  ©Mentalista

Cerveau Maestro

On vous en avait déjà parlé lors de notre wishlist de Noël, mais c’est tellement incroyable qu’il est nécessaire d’insister. À l’aide d’un capteur cérébral, le dispositif créé par la start-up française NEXTMIND mesure l’activité cérébrale du cerveau pour le traduire en commandes. Il est par exemple possible de contrôler son ordinateur uniquement par mind focusing, c’est-à-dire en se concentrant sur les actions à effectuer. La technologie est compatible avec Unity, permettant ainsi de créer des jeux vidéos, et également compatible avec la plupart des casques AR/VR du marché.

Mais cela va encore plus loin ! Le device est utilisé dans le projet BPM au sein de The Absolut Company Creation, dont la mission est de soutenir l’innovation liée à la musique électronique. Ce projet en collaboration avec l’artiste électronique Molecule et Pedro Winter – fondateur du mythique label Ed Banger Records – a pour but de monter le premier spectacle musical live entièrement produit par le cerveau humain, de quoi totalement révolutionner la scénographie électronique. Le casque est accessible pour toutes et tous, mais est pour le moment en rupture de stock Il faudra prendre son mal en patience pour pouvoir tester ce qui semble être l’une des plus belles promesses braintech de la décennie.

Le NEXTMIND DEV KIT ©NEXTMIND

Des pouvoirs inhumains

Les neurones humains dévoilent peu à peu leurs secrets, les neurones synthétiques sont désormais capables de voler de leurs propres ailes artificielles (laissez les GAN vaquer à leurs affaires, ils vous émerveilleront sûrement, la preuve ici avec les explications de l’artiste Robbie Barrat).

Pour se reconnecter à la nature et à ses instincts porteurs de réflexions fécondes, des chercheurs, associés à des artistes, ont étudiés les messages neuronaux d’une créature possédant pas moins de NEUF cerveaux. Pour cette recherche culturelle, l’équipe a choisi la pieuvre : outre la beauté de ses mouvements et ses étonnantes capacités de communication et d’adaptation, son système nerveux délocalisé devient le centre d’intérêt principal. Celui-ci, situé dans le corps et non dans le cerveau comme les humains, questionne la place de l’intelligence : dépend-elle de l’organe du cerveau, du corps entier, voire même de l’environnement dans lequel le sujet se trouve ? En d’autres mots : les recherches ont pour sujet central l’origine locale de l’intelligence ! Et dans la pure tradition biomimétique, nous pouvons imaginer de futures innovations braintech inspirées directement du vivant (et on adorait que ce soit à l’occasion d’une de nos Fabriques Créatives si vous captez notre message – très sublime- mais pas subliminal…)

Anémone sur le rocher ou cerise sur le gâteau, les résultats ont été modélisés par des artistes dans un environnement 3D pour une expérience immersive, à la Serpentine Gallery à Londres. 
 
L’initiative baptisée Interspecies Communication Research Initiative (ISCRI) se dote d’une mission, faire communiquer les espèces non humaines entre-elles. Par cela, elles entendent intelligences artificielles et organismes vivants, pour des résultats arty-novateurs ! Le collectif est la réunion du département des sciences humaines numériques du King’s College de Londres et l’équipe Arts Technologies située aux Serpentine Galleries, avec l’appui de technologues d’Etic Lab et de divers experts en biologie marine et en communication animale comme la Stazione Zoologica Anton Dohrn, Naples et l’Université d’Aberystwyth et nous vous invitons à lire l’article de fond expliquant l’incroyable démarche et les résultats ici !

Une  magnifique pieuvre, qui n’a pas participé au projet scientifique et artistique ISCRI ©Pixabay
Brain nation

Pour donner encore plus de poids au cerveau – celui de l’adulte moyen faisant 1,4 kilos -, cela fait déjà plusieurs années que le cerveau semble être le parfait business de demain. Côté data, la start-up Datakalab se positionne sur le marketing émotionnel pour décoder les émotions sur les visages humains les sept émotions cataloguées par le neurologue Antonio Damasio dont on vous recommande chaudement la lecture – pour analyser la réaction de chacun face à la publicité.

Sur un autre volet, la start-up Braini fondée par franco-ukrainienne Nataliya Kosmyna commercialise des logiciels de pilotage de drones par la pensée ou encore de maison connectée réagissant aux ondes cérébrales. On s’imagine déjà changer la musique du réveil lors de matinées difficiles directement par la pensée ! 

Le futur de la braintech semble être beau et vertueux dans notre nation au drapeau tricolore !

Make it fly ! Nataliya Kosmyna élève un drone par la force de la pensée ©Braini
Besoin d’Humain envie d’IA ?
Dans le roman Klara et le Soleil de Kazuo Ishiguro, nous suivons l’histoire d’une androïde compagnonne des êtres humains. Véritable réflexion sur la figure de l’androïde – à l’image de Blade Runner (1982) de Ridley Scott ou le jeu Detroit : Become Human (2015) de David Cage – le livre met en exergue notre humanité, tentant tant bien que mal de poser la question qui fâche : sommes-nous irremplaçables ? Ce qui semble certain, c’est que notre cerveau a encore beaucoup plus à offrir que n’importe quel réseau de neurones artificiels. Alors, il est toujours temps d’aller lire Lorsque mon boss sera une intelligence artificielle : Manager et travailler à l’ère de l’intelligence artificielle de Jean-Philippe Couturier, Factfullness de Hans Rosling ou encore Prediction Machines de A. Agrawal, Joshua Gans, Avi Goldfarb, afin de mieux saisir les enjeux de l’IA ou devenir meilleur en fact-checking.

Alors, besoin d’humain envie d’IA ? D’ici là, à vos plus belles pensées ! L’être humain en a plus de 6000 par jour en moyenne, vous pouvez bien en garder une ou deux pour CreativeTech ! 

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