Avatars : Les Nouveaux Maîtres De L’ère

Changer de peau. Enfiler un masque. Se grimer. Rien de nouveau sous le soleil pour croire en nos pouvoirs magiques. Thomas Hobbes dévoile que l’on se déguise pour montrer sa vraie natureBlaise Pascal évoque l’oubli de notre condition humaine. Mikhaïl Bakhtine révèle un renversement des conventions. Les outils que nous offre la philosophie peuvent-ils expliquer l’un des grands bouleversements de notre ère ?

Que sommes-nous sans nos corps ? Des esprits ou des âmes flottantes dans un monde sans frontières physiques ? Est-il temps de se détacher de nos enveloppes corporelles ? Dans l’agitation métaversienne se cachent nos doubles numériques, et des mots reviennent sans cesse : jumeau numérique, avatar. Chez CreativeTech nous avons voulu retracer les origines du mot avatar et saisir les sens qui résonnent avec notre époque. Ready ? Enfilez votre plus beau metamask, parez-vous de votre déguisement virtuel rêvé, on va en prendre plein les méta-mirettes ! 

©Pixabay

Une histoire d’incarnation

Issu du sanskrit avatāra – joli non ? -, ce mot prend tout son sens dans l’hindouisme, signifiant littéralement « descendre » et qualifiant une incarnation divine. Par les avatars, il est alors possible de descendre – telle une néo-Alice parée d’un casque VR – dans de nouveaux mondes, où notre pensée s’incarne dans une nouvelle enveloppe corporelle. Cette idée de descente peut alors renvoyer à l’idée de mondes supérieurs à d’autres et s’inscrit dans l’imaginaire lié à la théorie expliquant que nous vivons dans une simulation informatique. Chaque monde serait alors la « caverne platonique » d’un autre, créant une hiérarchie de réalités ! S’incarner dans un monde digital au travers d’un avatar c’est alors participer à la validation d’une telle théorie, tant les prouesses technologiques évoluent de jour en jour.

 

Ce mot, c’est aussi le titre du fameux Avatar (2009) de James Cameron : une révolution du cinéma puisqu’il fut le premier film à pouvoir être vu en 3D à travers les fameuses (et déjà kitsch) lunettes rouges et bleues – dont les couleurs rappellent étrangement celles de certaines pilules… La suite de ce film à succès arrive cette année dans nos salles noires, alors que 2022 s’imposait déjà comme l’année du métavers et de ses avatars…Coïncidence ? À vous de juger ! 

Avatar de la déesse hindouiste Ganga, bien avant l'apparition de nos métavers... ©Wikipedia

Under the skin

Le jeu vidéo n’a pas attendu Mark Zuckerberg pour populariser les avatars ! C’est même l’un des principes classiques que de personnaliser à souhait nos identités miroirs dans les mondes virtuels à coup de lunettes scintillantes, cheveux aux couleurs ravageuses, yeux géants, salopettes plus ou moins flatteuses. Une telle variation d’apparence s’appelle – dans le jargon vidéoludique – un «skin ». Littéralement une seconde – ou troisième, quatrième, n-ième… – peau, le skin représente très concrètement une « texture » graphique différente que l’on viendra appliquer sur un modèle 3D.

Dès Habitat (1985), le premier MMORPG – acronyme signifiant Massively Multiplayer Online Role Playing Game, un jeu en ligne multi-joueurs où l’on incarne un personnage personnalisable  il était possible de customiser son avatar ! Le skin n’a pas non plus flanché lors de l’arrivée de la mastodonte World of Warcraft (WoW pour les intimes)  qui organisait carrément des ventes aux enchères virtuelles pour acquérir des objets virtuels dans le jeu…sans NFTs, à l’époque.

Aujourd’hui, bien qu’il ne soit pas encore réellement possible de transférer ses skins d’un jeu à l’autre, des jeux comme Fortnite permettent d’incarner au sein de leur monde divers profils tels que Spider-Man, Bruno Mars ou encore Lebron James. Il y donc tout de même de quoi s’amuser et se rêver autre, le temps d’une excursion dans le métavers !

En 2022, Fortnite est un véritable phénomène de mode quand il s'agit d'évoquer les skins ©Unsplash

Le jouable s’habille en Prada

Des skins Fornite made in Balenciaga ? Des baskets Buffalo enflammées, 100% virtuelles, à porter sur vos photos Instagram ? La mode investit toutes les formes de métavers au travers de studios comme The Fabricant– travaillant avec Buffalo donc, mais aussi Adidas ou encore Tommy Hilfiger – ou The Dematerialised qui proposent des vêtements de créateurs, toujours virtuels et applicables sur n’importe quelle photo de votre choix, transportable dans certains univers virtuels ! L’achat se fait via NFTs, bien entendu.

En France, on peut se vanter d’avoir Benoît Pagotto, fondateur du studio RTKFTracheté par Nike en décembre 2021–  qui travaille sur les baskets virtuelles de la marque. Le studio fondé en 2020 a réalisé 100 millions de dollars de chiffre d’affaires l’année dernière : malgré nos baskets virtuelles, rien ne sert de courir, il faut partir à point !

Iridescence Digi-Couture Dress ©The Fabricant

La ruée vers l’or-ipeau ? 

Depuis l’annonce du changement de nom de feu Facebook en Meta, le métavers est devenu un buzz-word de choix. Un nouveau marché s’ouvre, et avec lui de nouveaux players ! C’est le cas par exemple de la boîte estonienne Ready Player Me qui propose la création d’avatars pour le métavers, tout en promettant des bridges (les fameux ponts chers à CreativeTech) entre les mondes pour emmener son double numérique dans l’entièreté du numérique. Un autre géant du web, Microsoft, a également promis que la prochaine mise à jour de Mesh pour Teams (outil de travail collaboratif utilisant la réalité virtuelle) permettra de se représenter sous forme d’avatar 3D. Le nouveau modèle économique a tout d’une ruée vers l’or – thème d’une des dernières chansons du groupe anglais Alt-J (« Gimme that gold / Straight into my hard drive ») on « mine » bien du bitcoin et des NFTs – au revers un peu prévisible.

En effet, début février, la plateforme d’achat et de vente de NFTs OpenSea a dévoilé que 80% des NFTs créés gratuitement sur la plateforme étaient des faux. Comme toute technologie émergente, il va falloir garder un œil  sur son évolution et laisser passer quelques vagues, afin que nos vêtements digitaux ne finissent pas tristes oripeaux dans notre corbeille.

©iStock
Future made of virtual identity ? 

Chez CreativeTech, on adore les différents imaginaires et la façon dont ils s’imbriquent, se rejettent ou se questionnent. Les avatars en sont un à part entière : ils représentent un monde dans lequel le corps n’a pour signification que celle que l’on veut bien lui donner, tandis que nos esprits continuent à vivre dans un espace virtuel – mais pas moins réel. Il faut alors encore une fois fuir les visions futuristes et dépressives de Wall-E ou de Black Mirror pour se repositionner sur des imaginaires créatifs et positifs.

Comme le chantait – presque, on triche un peu – l’anglais Jamiroquai :

« Futures made of virtual identity, now
Always seem to be governed by this love we have
For these useless, twisting, of our new technology
Oh, now there is no sound, for we all live underground »

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