Sobriété ou frugalité

Après un été riche en émotions et découvertes, CreativeTech va-t-il prêcher la sobriété, nouveau mantra de la rentrée ?  Quand la géopolitique rejoint les enjeux climatiques pour nous enjoindre à la sobriété énergétique : les imaginaires mêlés de décroissance, pénuries, restrictions, peur de manquer se conjuguent à ceux de la nécessité d’innover, la capacité à trouver des solutions, l’action collective et individuelle raisonnée, …

Si le fameux rapport Meadows de 1972 rappelle les conséquences d’une croissance exponentielle dans un monde fini, ne succombons pas à la tentation fataliste. Enfin pas tout de suite 🙂 L’instinct de l’art est de nous aider à regarder autrement et à nous conduire sur des chemins de traverse. Et nen déplaise à Baudelaire, à l’heure des crises que nous traversons, il est légitime de se poser la question : est-il toujours l’heure de s’enivrer ?

Sobriété : un arbre de lumière qui éclaire le futur ! (Midjourney)

Sobriété et frugalité

  • La sobriété – du latin sobrietas – signifie la tempérance dans l’usage du vin. Étrange utilisation de mot initialement associé au domaine du vin, de l’ivresse. Pour un sens plus contemporain, CreativeTech s’aligne sur la définition proposée par Eloi Laurent, Chercheur à l’Observatoire français des Conjonctures économiques)  :

« La satisfaction de besoins raisonnés au moyen de ressources limitées. »

  • La frugalité – du latin frugalitas, la récolte des fruits – se positionne comme un synonyme de la sobriété, avec peut-être une légère variation : étymologiquement, il n’y a pas de notion de tempérer quoi que ce soit dans la frugalité, mais bien de choisir une alternative.

Alors, si nous étions dans la frugalité plutôt que dans la sobriété ? 

Enlever, réduire, vider. Si on imaginait nos infrastructures de consommation sans nous ? C’est ce qu’avait proposé l’artiste Geoffroy de Crécy – frère d’Etienne – dans son court-métrage d’animation Empty Places (2020) réalisé avant la pandémie et présenté lors de la biennale Némo au CENTQUATRE Paris, Au-delà du réel ?. Il imagine tous les lieux marquants de notre société (supermarchés, boîtes de nuit, marchés boursiers) sans nous, les humains. Que reste-t-il alors ? Des machines, automates esseulés pulsant un algo-rythme effréné. Face à ce trop-plein de trop-vide, de quoi avons-nous réellement besoin ?

Danser le slow est-il rock’n’roll ?

Né à la fin des années 80, le mouvement slow life prône – tout est dans le titre 😁 – un mode de vie lent pour renouer avec son corps et avec les autres. Tout comme le « hygge » des danois (qui se prononce « hoo-gah »), ce mouvement nous rattache aussi à la nature ! Dans l’ère technologique, il devient de plus en plus difficile de retrouver nos temporalités et nos cycles naturels, même si les green techs tentent de créer de nouveaux points d’ancrage durables. Alors, être slow rime-t-il avec ennui ?

Certainement pas ! Retrouvons notre calme (si si c’est essentiel) grâce à Onyo et ses expériences immersives qui s’apparentent à des méditations rituelles. Dans son expérience L’Arbre-Soleil, le duo constitué de Charlotte-Amélie Veaux et Yann Garreau propose une séance de méditation sonore, casque audio sur les oreilles et face à un drôle d’arbre lumineux.

 

Les participants sont invités à fermer les yeux et à écouter – en son spatialisé – et à raviver la lumière de cet arbre intriguant, dont la lumière pulse au rythme de l’histoire.

L’œuvre est intimement polysensorielle et convoque en chacun et chacune un imaginaire différent, que l’on prend ensuite plaisir à débriefer à la fin de la vingtaine de minutes que constitue cette échappée.

Venez vous asseoir au pied de l'Arbre-Soleil pour en raviver la flamme ! ©CreativeTech
Le conseil lecture du mois selon Aurélien Barrau ! ©POST-ÉDITIONS

L’art d’être sobre : le futur appartient-il aux artistes ?

Imaginer, écrire, peindre, danser, chanter, jouer … sont autant de pratiques artistiques qui nous font rêver, voyager, nous évader au-delà des enceintes physiques où nous nous trouvons et avec pour seule énergie motrice nos propres calories, notre feu intérieur. Dès lors, faire croître notre maîtrise des arts serait-il le chemin vers la sobriété ?  N’est-ce pas là un formidable programme d’avenir, où la Culture demeure une source d’énergie renouvelable à l’infini ?

Car oui la Culture aide aussi à interroger et inventer d’autres rapports, au monde, au vivant, à notre biosphère. Comme l’astrophysicien et philosophe Aurélien Barrau au micro de France Interrêvons-nous d’artistes, de poètes et de philosophes pour prendre les commandes sur les Polytechniciens ? Harmonie, harmonie, quand tu nous tiens.

Et si les premières réponses se trouvaient dans la Cosmopoétique de Dénétem Touam Bona ? Dans son ouvrage Sagesse des Lianes, l’auteur nous invite à tirer de nombreux enseignements du savoir-faire et du savoir-vivre des lianes, plante volubile par excellence dotée d’un formidable don d’entrelacement. Allez, qui vient se balancer de liane en liane avec nous ?

Invitation au non-voyage

« Faut-il voyager pour être heureux ? » C’est la question impertinente que pose la Fondation Groupe EDF, qui après l’exposition « Fake news : Art, fiction, mensonge » – dont CreativeTech était co-commissaire – prend à contrepied nos envies d’aventures lointaines pour stimuler nos imaginaires dans une exposition durant jusqu’au 29 janvier 2023.
 

      • La question fâche. Ou du moins, semble fâcher ? On ne le sait aujourd’hui que trop bien : sobriété rime avec réduction du bilan carbone. Alors exit l’avion et les allers-retours incessants, il faut peut-être réapprendre à s’émerveiller du proche de chez soi. L’exposition présente Le Voyage au bout du jardin de Richard, Camille Martin et Marine Ponthieu : un voyage presque sociologique de trois jours pour faire le tour de leur jardin à bicyclette afin de réapprendre la fascination pour la proximité. Définitivement sobre, mais enivrant.
         
      • Pour symboliser le voyage dans un monde en déclin, l’exposition présente également Going Nowhere 1.5de l’artiste britannique Simon Faithfull ; une œuvre montrant par une vue du ciel l’artiste tournant en rond sur une portion de sable puis se faisant petit à petit engloutir par la mer.

L’exposition explore, grâce à plusieurs médiums polysensoriels, différentes thématiques et surtout l’évolution de nos coutumes de voyage. Sisyphe, sors de ce corps : le bonheur est à portée de pied ; « luxe, calme et volupté ».

Arrangement. Globes terrestres, 1991-2021 de Ange Leccia ©CreativeTech

Vers des imaginaires sobres, non évidés !

Ils peuvent paraître lointains, les imaginaires Verniens ! S’il n’est plus l’heure de faire Le tour du monde en 80 jours ou de partir 20 000 lieues sous les mers, il est temps de changer d’imaginaires pour les rendre plus positifs.

Et qui de mieux que les artistes pour définir et modeler les imaginaires qui nous composent, nous traversent ? Le duo ORAN – composé de Morgane Clerc et Florian Clerc – traite et interroge avec poésie des imaginaires urbains à travers des installations et des performances, notamment avec leur Observatoire des Excès et de la Pénurie (OEP), 2020-2022, articulé en plusieurs axes et abordant les enjeux contemporains liés à l’anthropocène et ses paradoxes. Une enquête sociale et artistique qui met en défaut la logique consumériste et transpose l’objet du plaisir … Vaste programme. 

Changer d’imaginaires pour un monde durable, c’est également ce à quoi s’attèle le festival Les AnthropoScènes avec des ateliers de design fiction pour défricher des futurs alternatifs et positifs grâce à la fiction. En imaginant l’avenir à la manière des romans de science-fiction, il est possible d’ouvrir de nouvelles pistes d’exploration et de démystifier d’éventuelles technologies : une démarche résolument interdisciplinaire dont nous allons avoir de plus en plus besoin !

Alors sobre ou frugal ? Chez CreativeTech, nous continuons à inventer et collecter les expériences ouvrant à des sensations nouvelles grâce aux 0 et aux 1, aux arts performatifs, aux machines toujours plus green, au techs qui nous rendent toujours plus beaux.C’est par ici pour nos pistes issues des métavers ou de l’observation à la sauce biomémétique !

Et si Phileas Fogg avait fait le tour du monde à vélo ? (Midjourney)
Retour